Tout le monde a un avis sur ChatGPT. Les médias mettent en avant sa capacité à générer du contenu bien écrit et pertinent. Les ingénieurs y voient un bouleversement technologique, et les entrepreneurs un monde nouveau à explorer, riche de promesses. En somme, le chatbot dopé à l’intelligence artificielle fait le buzz depuis son lancement public en novembre 2022 : il lui aura fallu seulement deux mois pour franchir le cap des 100 millions d’utilisateurs, contre 9 mois pour TikTok et 2 ans pour Google Maps, enregistrant ainsi un nouveau record.
Cette vague de curiosité semble plus que légitime, tant le pas en avant effectué par la technologie chatbot est impressionnant. Mais qu’y a-t-il réellement derrière ChatGPT ? Comment fonctionne cette technologie ? Que peut-on faire avec ? Et quelles sont ses limites ? Voici une synthèse de tout ce qu’il faut savoir sur le sujet.
C’est quoi, ChatGPT ?
ChatGPT est le nom de l’interface qui donne accès à un modèle d’apprentissage du langage basé sur l’intelligence artificielle, GPT-3, capable de générer du texte en imitant la manière humaine. En d’autres termes, ChatGPT est le nom donné à l’application – qui n’est autre qu’un chatbot amélioré – à laquelle les utilisateurs peuvent poser des questions, et dont ils peuvent obtenir des réponses.
A priori, cela n’est pas si éloigné de ce que font déjà les assistants virtuels intégrés aux smartphones et aux enceintes intelligentes, comme Siri, Google Assistant et Alexa. Sauf que ChatGPT va plus loin grâce à son modèle d’apprentissage, puisqu’il permet, d’une certaine manière, de « discuter » avec la machine, comme on le ferait avec un ami ou avec un collègue de bureau. C’est précisément ce qui est bluffant avec ce programme : il devient difficile de distinguer le texte généré par la machine des écrits produits par les humains.
Sa fonction principale est de générer du texte en réponse aux questions posées par les internautes. En ce sens, ChatGPT peut produire du contenu adapté à la requête formulée par l’utilisateur, identifier des erreurs, rejeter les demandes qu’il juge inappropriées, mais aussi développer ses connaissances au fil des échanges. Ci-dessous, un exemple de réponse apportée à une question « simple ».
Cette technologie a mis sur le devant de la scène la société américaine OpenIA, spécialisée dans l’intelligence artificielle – l’une des très nombreuses entreprises qui, dans le monde entier, travaillent sur des outils basés sur l’IA. Installée à San Francisco, OpenIA a été fondée en 2015 par Elon Musk et Sam Altman avec le statut d’association, avant de devenir une entreprise à but lucratif en 2019, au moment de la mise au point de GPT-2, l’ancêtre du modèle présenté en 2022.
Comment fonctionne ChatGPT ?
Pour fonctionner, ChatGPT s’appuie sur le modèle de langage GPT-3.5 (pour Generative Pre-Training Transformer). Le programme s’est « entraîné » sur de vastes quantités de données qui lui permettent de faire des prédictions, afin de « coller » des mots les uns avec les autres tout en produisant du sens. On parle, à ce propos, de Large Language Model (LLM) : un « modèle de langage de grande taille », en raison du très grand nombre de paramètres employés – 175 milliards pour ce programme.
Grâce à un système d’apprentissage profond (deep learning) qui lui donne les clés pour comprendre l’utilisation des mots dans leur contexte, il parvient à donner l’illusion d’un comportement humain en proposant des réponses à la fois cohérentes sur le fond et correctes sur la forme, en adaptant ses interventions à mesure qu’on lui demande des précisions, et en tirant des leçons des échanges menés avec les utilisateurs.
(Source : OpenIA)
En substance, ChatGPT combine un savoir encyclopédique et une capacité étonnante à imiter le langage.
Toutefois, cette technologie n’est pas nouvelle, puisqu’elle repose sur le réseau neuronal Transformer développé par Google, qui alimente d’ailleurs le propre modèle d’apprentissage du langage naturel de la firme de Mountain View, LaMDA (que l’on retrouve dans Google Bard). En outre, d’autres sociétés travaillent sur des modèles équivalents.
Mais la révolution, ici, se situe plutôt dans l’usage que dans la technique : en intégrant le programme à une interface intuitive, OpenIA a donné l’opportunité au grand public d’interagir directement avec ChatGPT, de l’expérimenter de façon concrète, et de le pousser dans ses retranchements. Une excellente manière, pour l’entreprise, de recueillir des feedbacks (on peut « noter » la réponse donnée par l’application) et de tester ses limites en temps réel, en faisant participer les internautes à travers le monde.
Comment utiliser ChatGPT ?
Depuis son lancement public en novembre 2022, ChatGPT est libre d’utilisation. N’importe quel internaute peut s’y essayer en se rendant sur cette page et en créant un compte. Il s’agit d’une application web qui ne nécessite aucune installation.
Une fois sur l’interface, il suffit de taper sa demande dans le champ dédié et de cliquer sur le bouton d’envoi. Voici un exemple :
En tant qu’IA conversationnelle, ChatGPT est non seulement capable de répondre aux questions, mais aussi de se souvenir de ce que vous avez demandé et de rebondir dessus pour proposer une autre réponse. De sorte que vous pouvez préciser votre question, demander une reformulation, ou réclamer des informations supplémentaires sans avoir à répéter la requête – comme dans l’exemple ci-dessous.
Dans le langage des chatbots, une requête correspond à un « prompt », c’est-à-dire une phrase que le programme interprète de façon à pouvoir y répondre. L’intelligence artificielle découpe les phrases en sections plus courtes qu’il compare au modèle d’apprentissage sur lequel il a été entraîné, puis génère automatiquement sa réponse. La forme du « prompt » joue un rôle non négligeable dans la bonne utilisation du programme : en somme, on peut obtenir beaucoup de choses avec ChatGPT, mais encore faut-il savoir lui demander !
Le service est gratuit au moment où nous écrivons ces lignes, ce qui permet à OpenIA d’obtenir un maximum de feedbacks. En parallèle, l’entreprise a lancé, début février 2023, un plan payant au prix d’une vingtaine d’euros par mois – ChatGPT Plus. Les abonnés sont prioritaires lorsque l’outil est surchargé (comme cela arrive fréquemment avec la version gratuite) et les réponses sont générés plus rapidement.
Que peut-on faire avec ChatGPT ?
Fort de ses 175 milliards de paramètres, ChatGPT peut servir à une batterie d’applications diverses et variées. Précisons que ce modèle d’apprentissage est limité au seul langage écrit, et qu’il ne peut pas générer des images, des vidéos ou des sons. Les requêtes sont formulées à l’écrit et les réponses sont générées de même.
Concrètement, que peut-on faire avec ? Voici quelques exemples d’utilisation de ChatGPT.
- Rédiger un article de blog basique, pouvant servir de brouillon à un contenu plus approfondi.
- Produire tout type de contenu textuel : email, post pour les réseaux sociaux, liste… Un exemple avec une checklist dédiée au déménagement.
- Rédiger un texte en imitant le style d’écriture d’un(e) auteur(e) célèbre. (Une fonctionnalité souvent mise en avant pour souligner les capacités d’imitation du programme, capable d’aller chercher des textes de l’auteur(e) désigné(e) et d’en reproduire la tonalité.)
- Synthétiser un document. Pour cet exemple, nous avons demandé à ChatGPT de résumer l’article « Optimisation SEO » posté sur ce blog, et de proposer une réponse en 5 points clés.
- Trouver des sujets pour de futurs contenus (articles, conférences, exposés, etc.). Dans l’exemple ci-dessous, ChatGPT agrémente sa liste de conseils pratiques pour traiter chaque sujet.
- Demander un plan détaillé en vue de rédiger un devoir scolaire ou un document professionnel.
- Résoudre un calcul complexe. Nous donnons ici un exemple accessible, mais cela fonctionne aussi avec des équations plus poussées.
- Rédiger un récit fictif. Nul doute que l’histoire du panda cycliste fera des émules !
- Générer du code informatique dans le langage souhaité, ou identifier des erreurs dans un morceau de code existant. On peut aussi apprendre à coder en posant à ChatGPT des questions précises en fonction de son niveau.
Au global, ChatGPT est surtout un outil qui permet de gagner du temps dans la réalisation de certaines tâches, qu’il s’agisse de se doter d’une base rédactionnelle ou d’identifier des solutions à des problèmes spécifiques. Il est particulièrement pertinent lorsqu’il s’agit de code – à tel point que le PDG de Microsoft, Satya Nadella, estime que 80 % du code informatique sera généré automatiquement dans l’avenir (source). Ce qui ne l’empêche pas d’être confronté à un certain nombre de limites.
Quelles sont les limites de ChatGPT ?
Oui, l’application est bluffante. Oui, elle génère des réponses structurées et cohérentes. Mais il faut garder à l’esprit que ChatGPT n’est qu’un programme informatique et qu’il ne « pense » pas – en ce sens, la notion d’intelligence artificielle est plutôt galvaudée dans ce cas de figure. De fait, le programme ne peut pas développer un raisonnement, faire preuve d’empathie, ou avoir un avis personnel. Et pour tout dire, il ne comprend même pas réellement ce qu’on lui demande : il examine le contexte d’utilisation des termes pour en tirer du sens et produire une réponse.
Précisons aussi que ChatGPT n’est pas un « outil » au sens strict, dans la mesure où il n’a pas de fonction précise : il ne « fait » pas quelque chose d’unique, mais peut, en revanche, servir plusieurs applications et faire preuve d’une grande versatilité. C’est un levier à actionner pour atteindre un certain but, et non une fin en soi.
En outre, ses informations sont limitées. Le corpus de données sur lequel il s’est entraîné s’arrête à la moitié de l’année 2021, ce qui fait que ChatGPT est incapable de répondre à des questions relatives à des actualités récentes – comme on peut le voir avec l’exemple ci-dessous. Il peut toutefois apprendre de ses conversations avec les utilisateurs. Et OpenIA prévoit de connecter au web la prochaine version de son programme.
Aussi, les réponses générées par le programme souffrent de multiples défauts. Elles sont généralement de qualité moyenne, souvent sommaires ou superficielles, et toujours politiquement correctes. ChatGPT ne se « mouille » pas et ménage sans cesse la chèvre et le chou afin de ne fâcher personne, même sur des questions qui n’engagent à rien.
Ses réponses peuvent aussi devenir farfelues, pour peu qu’on formule la question d’une manière équivoque. Ainsi, l’intelligence artificielle donne parfois l’impression de coller ensemble des notions prises au hasard. L’exemple ci-dessous, avec les œufs de kangourou (spoiler : les kangourous ne pondent pas d’œufs !), est assez évident. Mais sur des sujets plus complexes, un utilisateur mal renseigné est susceptible de prendre pour argent comptant une réponse biaisée, tronquée, voire complètement fausse. Car ChatGPT est incapable d’identifier une erreur dans sa propre réponse.
Enfin, l’usage massif de ChatGPT pose des questions éthiques. Le programme n’ayant aucune notion du bien ou du mal, il est capable de répondre à toute demande sans tenir compte de sa moralité. C’est pourquoi les ingénieurs de chez OpenIA ont mis en place des garde-fous qui empêchent le chatbot d’expliquer comment fabriquer une bombe ou comment empoisonner une personne. Pour autant, rien n’interdit à un utilisateur de faire générer, par le programme, une fake news ou un document trompeur, et de le diffuser massivement sur le web – il suffit, pour cela, de trouver le bon moyen de poser la question.
Il est important de garder ces limites en tête pour faire de ChatGPT un usage cohérent et éthiquement viable.
ChatGPT n’a pas fini de nous surprendre. OpenIA a d’ores et déjà prévu le lancement de la quatrième version de son modèle de langage (GPT-4), entraîné sur plus de 100 000 milliards de paramètres, au cours du premier semestre 2023. De son côté, Microsoft a annoncé l’intégration prochaine du programme dans Bing – annonce qui a poussé Google à révéler son propre chatbot à base d’IA, Bard, qui pourrait également se frayer un chemin jusqu’au moteur de recherche. Néanmoins, il est important de garder à l’esprit que ChatGPT, malgré ses impressionnantes capacités, n’est pas prêt de surpasser les compétences humaines. Et qu’il restera, sans doute pour longtemps, un chatbot amélioré, mais un chatbot tout de même.