Les clients d’aujourd’hui sont particulièrement sensibles aux expériences – parfois plus qu’aux produits/services en eux-mêmes. C’est pourquoi les concepteurs font désormais la part belle au parcours utilisateur, afin de proposer une expérience optimale à leurs usagers. Pour cela, ils s’appuient sur ce qu’on appelle un scénario d’usage : un outil méthodologique permettant d’identifier les besoins et les problèmes des utilisateurs, afin de mieux y répondre par le biais du produit ou du service proposé.
Ce scénario, qui retrace l’intégralité du parcours utilisateur et de l’UX, reste sous-estimé par les porteurs de projets malgré sa grande utilité. Dans cet article, nous vous proposons de mieux comprendre ce qu’est un parcours utilisateur, et de découvrir, pas à pas, comment créer votre propre scénario d’usage.
Qu’est-ce qu’un parcours utilisateur UX ?
Comme son nom l’indique très bien, le parcours utilisateur désigne le cheminement suivi par un utilisateur lorsqu’il est confronté à un produit ou service, ou lorsqu’il entre en relation avec une entreprise.
En l’occurrence, le terme « utilisateur » renvoie aussi bien au visiteur d’un site web, au client qui pousse la porte d’un point de vente, ou au consommateur qui met en route une télévision ou un aspirateur qu’il vient d’acheter.
Dans le contexte du design UX, l’analyse de ce cheminement permet d’optimiser l’expérience utilisateur, en visualisant une par une les étapes parcourues pour leur apporter des modifications et les perfectionner. En raison des liens intimes entre ces deux notions, on parle volontiers de parcours utilisateur UX.
Dans une démarche de compréhension du parcours utilisateur UX, le concepteur s’applique à élaborer des modèles de cheminement qui correspondent à l’utilisateur tout au long de son interaction avec le produit ou service. Cette modélisation est appelée « scénario d’usage », et elle est au cœur des problématiques d’UX Design (et, plus largement, elle s’inscrit dans la philosophie du Design Thinking).
Concrètement, le scénario d’usage consiste à cartographier les étapes du parcours utilisateur en tenant compte des différents points de contact et des interactions potentielles, mais aussi de l’expérience vécue par l’utilisateur. Cela, sans s’arrêter aux seules fonctionnalités qui lui sont proposées.
Focus sur la notion d’expérience
Mais qu’est-ce au juste qu’une « expérience » quand on évoque un produit ou un service ? En quoi un individu qui allume un aspirateur ou qui lance une application mobile vit-il une « expérience », alors qu’on pourrait tout bonnement considérer qu’il profite d’un certain nombre de « fonctionnalités » ou qu’il atteint ses objectifs ? (Dans le cas de l’aspirateur, l’objectif étant de collecter la poussière ; dans celui de l’application mobile, de réaliser une action spécifique ou de passer le temps.)
Pour Marc Hassenzahl et Noam Tractinsky (spécialistes de l’UX et auteurs d’une étude sur le sujet en 2006), l’expérience utilisateur est une construction complexe qui résulte de trois composantes :
- l’état d’esprit de l’utilisateur au moment où il est confronté au produit/service (ses besoins, ses motivations et ses attentes),
- le contexte (ou l’environnement) dans lequel se déroule l’interaction,
- et les caractéristiques de la technologie (ses fonctionnalités, ses usages et sa complexité).
Ce qu’ont montré ces deux chercheurs, c’est que la conception d’un produit ou service doit intégrer le contexte d’utilisation ainsi que l’état d’esprit de l’utilisateur, et non pas simplement les caractéristiques.
Si l’on considère un site web, la qualité de l’expérience vécue par le visiteur va donc reposer à la fois sur les raisons pour lesquelles il est amené à le consulter, sur les conditions dans lesquelles se déroule sa navigation (l’appareil employé, le moment de la journée, l’éventuelle notion d’urgence – si la consultation du site a pour but de trouver les horaires du prochain bus alors qu’il pleut des cordes et qu’on est dehors), et in fine sur les fonctionnalités qui permettent d’atteindre le but désiré.
Le scénario d’usage
Le scénario d’usage, c’est la modélisation du parcours utilisateur UX tel qu’on l’a dégagé après analyse, et par conséquent la mise en situation d’un utilisateur type. En anglais, on parle de « UX storyboard » en référence à ce support de travail, employé dans l’industrie cinématographique, qui consiste à dessiner les étapes du déroulement narratif du film avant le tournage.
La référence n’est pas innocente : un scénario d’usage a pour but de raconter l’histoire vécue par l’utilisateur lorsqu’il est confronté au produit ou service, étape après étape, en tenant compte des trois composantes clés soulignées plus haut (état d’esprit, contexte et caractéristiques). Optimiser le parcours utilisateur UX, c’est donc intervenir sur cette histoire pour en modifier le déroulement, y ajouter des péripéties, et générer des émotions.
Pour cela, le scénario d’usage cartographie le cheminement réel et mental de l’utilisateur, et imagine les réponses à apporter (via l’interface et les fonctionnalités) à chaque étape du parcours. Or parce qu’il existe autant de cheminements possibles que de profils de clients, il est indispensable de modéliser ces différents parcours et de créer autant de scénarios d’usage que nécessaire, en tâchant de les adapter aux problématiques et aux besoins identifiés en amont. Ce qui suppose, évidemment, de bien connaître ses audiences cibles.
Pour l’entreprise, c’est donc un outil incontournable pour comprendre les besoins des utilisateurs, apporter des solutions pertinentes, et concevoir des produits/services qui tiennent compte du parcours utilisateur UX pour offrir une expérience optimale à tous les niveaux. C’est, enfin, un moyen de créer un référent dans le cadre d’un travail collaboratif, et de faire en sorte que toutes les parties prenantes d’un projet disposent du même niveau de connaissance au moment de concevoir le produit/service.
Comment créer votre scénario d’usage (et optimiser le parcours utilisateur UX) ?
La création du scénario d’usage constitue donc la pierre angulaire de l’optimisation du parcours utilisateur UX. Pour le construire, il faut commencer par analyser le comportement des utilisateurs ciblés, puis dessiner un parcours adapté à chaque profil, et enfin raconter une histoire (basée sur des expériences réelles) afin d’identifier les leviers d’amélioration.
Identifier vos utilisateurs et leur comportement
Chaque scénario d’usage doit se rapporter à un profil type d’utilisateur. La première étape consiste donc à s’appuyer sur les personas que vous avez déjà réalisés (ce qui devrait être le cas si vous disposez d’une stratégie marketing) ou, le cas échéant, à bâtir ces portraits-robots de toutes pièces en collectant des informations sur vos audiences cible.
Dans cette optique, vous pouvez interroger vos commerciaux (ils sont, après tout, en lien direct avec les clients de l’entreprise), mener des enquêtes contextuelles, ou demander à vos clients eux-mêmes de participer à des sondages.
Autre point important : un parcours utilisateur UX répond toujours à des besoins spécifiques, qui sont ceux de vos audiences cibles. La deuxième étape en revient donc à identifier ces besoins, à les classifier et à les prioriser. Il s’agit de répondre aux questions suivantes :
- Pourquoi les utilisateurs viennent-ils vers le produit ou service ?
- Que cherchent-ils à réaliser ? Quels problèmes cherchent-ils à résoudre ?
- Quels sont leurs freins (ou « points de douleur ») ?
- Quelles sont leurs attentes en termes d’interface, de fonctionnalités… ?
- Quels sont les points de contact entre les utilisateurs et votre entreprise, en amont de l’utilisation du produit/service, mais aussi au-delà de celle-ci ? (Pour cette étape, on peut réaliser ce qu’on appelle une « Customer Journey Map », ou « ligne de temps », qui intègre l’ensemble de ces points de contact – online et offline – tout au long du parcours client.)
À partir de là, vous pourrez imaginer comment votre produit/service est susceptible de répondre à ces besoins et de combler ces attentes.
Dessiner un parcours utilisateur UX adapté à chaque profil
À ce stade, il s’agit de cartographier le parcours utilisateur UX pour chaque profil pertinent, c’est-à-dire de décrire le parcours en décomposant les usages, en intégrant toutes les étapes, puis en analysant l’expérience telle qu’elle est vécue par l’utilisateur. Pour chaque étape, il faut noter chaque action, identifier le moment où elle se déroule, voir comment l’utilisateur s’y prend pour atteindre son but, et repérer les éventuels problèmes rencontrés à cette occasion.
Différents outils peuvent soutenir votre démarche visant à établir un parcours utilisateur UX :
- L’ « Experience Map » consiste en une cartographie détaillée du parcours utilisateur UX global : durée de chaque étape, motivations de l’utilisateur, actions réalisées, émotions éprouvées, etc. Pour chaque action entreprise, il est essentiel de définir dans quelle mesure l’expérience est positive ou négative, ce qui conduira, par la suite, à identifier les points d’amélioration de la satisfaction.
- Le « Service Blueprint » est un outil de design de service permettant de mettre en évidence les interdépendances entre les différentes composantes du parcours utilisateur.
- La carte d’empathie, ou « Empathy Map », vise à comprendre l’état d’esprit de l’utilisateur lorsqu’il utilise le produit : ce qu’il dit, ce qu’il pense, ce qu’il fait, ce qu’il ressent, etc. (Voir le schéma ci-dessous.) Dans cette optique, il est important de se mettre à la place de l’usager afin de percevoir ce qu’il éprouve tout au long de son parcours utilisateur.
- La « roue de l’expérience », ou « Experience Wheel », est adaptée à l’expérience vécue autour du recours à un service (plutôt qu’à un produit) : elle tient compte de ce qui vient avant et après l’utilisation du service, autant que du déroulement du service en tant que tel. L’exemple ci-dessous analyse le parcours d’un client qui va prendre l’avion direction New York, mais vous pouvez adapter ce type de schéma à votre guise.
(Source : edrawsoft.com)
Le parcours utilisateur UX est matérialisé, le plus souvent, sous la forme d’une frise comprenant toutes les étapes identifiées en amont. Pour figurer l’état d’esprit de l’usager à chaque étape, ou pour chaque action, il est courant de recourir aux émoticônes : un sourire si l’expérience est positive, une grimace si elle est négative, et un visage neutre pour l’entre-deux. Vous pouvez employer un vrai tableau (et coller des Post-it dessus, par exemple) ou vous en remettre à un outil web pour dessiner votre tableau sur un ordinateur.
Raconter une histoire
Une fois le parcours utilisateur UX bien défini et clairement matérialisé, il reste à raconter une histoire autour de ce parcours : c’est la touche finale du scénario d’usage, celui-ci n’étant que la version développée du cas d’usage représenté à l’étape précédente. Cette histoire fait intervenir le persona et le produit/service, tient compte du contexte et de l’état d’esprit, décrit les différentes interactions, et note le comportement de l’utilisateur à chaque étape.
Attention : il est essentiel que ce scénario soit basé sur un cas d’utilisation réel et qu’il corresponde à un récit aussi authentique que possible.
Si votre scénario d’usage concerne une application mobile dédiée à la pratique du running, par exemple, et que vous souhaitez suivre le cheminement d’un utilisateur qui se met à la course à pied à la faveur de votre produit, vous allez développer une histoire concrète autour d’un mobinaute qui télécharge l’application, la lance pour la première fois, crée un compte client, démarre sa première session de course, s’améliore progressivement, etc. Vous allez aussi tenir compte de la fréquence de ses séances, des musiques qu’il choisit pour se motiver, de la facilité avec laquelle il peut évaluer ses performances après chaque session…
En somme, partez toujours d’histoires véridiques racontées par vos clients, ou remontées par vos commerciaux, pour que chaque parcours utilisateur UX soit réellement pertinent.
Avec ce scénario d’usage en main, l’idée est de le tester auprès des parties prenantes du projet et, pourquoi pas, auprès d’un panel de vos clients, sélectionné en fonction du persona ciblé. Il ne vous reste plus qu’à évaluer la qualité de l’expérience vécue, reportée sur le tableau, et de repérer les points spécifiques sur lesquels vous pouvez agir pour améliorer le parcours utilisateur UX – et donc l’expérience en tant que telle.
À ce titre, chaque émotion éprouvée par l’utilisateur peut être vue comme une opportunité de corriger l’expérience, voire d’innover. Soit parce que l’usager est déçu/frustré/insatisfait, soit au contraire parce qu’il est comblé par le produit/service et que vous entendez capitaliser sur cette satisfaction, ou même la reproduire sur d’autres scénarii.
En conclusion, le scénario d’usage est un outil essentiel pour analyser de bout en bout le parcours utilisateur UX, et pour concevoir (ou améliorer) un produit/service en vue d’offrir une expérience optimale à vos clients. Toutefois, cela ne peut fonctionner qu’à trois conditions : 1) que la démarche soit centrée sur l’utilisateur (son état d’esprit, ses émotions, ses motivations…), 2) que chaque parcours soit adapté à un profil particulier d’utilisateur, et 3) que le scénario d’usage soit testé, puis partagé auprès de tous les intervenants au projet.