Pour de nombreux commerçants, le web reste une menace : si les clients se tournent vers la Toile pour faire leurs achats, ils risquent de délaisser les boutiques physiques. Il est vrai que l’essor du e-commerce s’accompagne d’un profond changement dans le comportement des consommateurs, avec, en particulier, un allongement du temps passé à s’informer, à comparer les offres, et à recueillir des avis de clients existants. Néanmoins, même lorsqu’on gère un ou plusieurs point(s) de vente physique(s), il est possible de faire d’Internet un allié et de transformer le digital en opportunité grâce au web-to-store : une stratégie cross-canal qui permet de tirer le meilleur des deux mondes, online et offline. Explications et exemples de stratégies à mettre en place.
Définition du web-to-store
L’expression « web-to-store » (littéralement : du web au magasin) désigne deux choses :
- Le comportement d’achat qui vise à rechercher des informations en ligne avant de se rendre en boutique, qu’il s’agisse de se renseigner sur un produit/service ou sur un point de vente/une enseigne à proximité. En effet, les achats en magasin sont de plus en plus souvent précédés d’une phase de recherche en ligne, celle-ci servant à mieux connaître les produits/services, à comparer les entreprises et les marques, et à identifier les bonnes affaires.
- L’ensemble des actions marketing qui consistent à orienter les prospects vers les magasins physiques, et à faire en sorte qu’ils terminent leur parcours d’achat en boutique avec des conseils personnalisés, des offres promotionnelles, et une dimension humaine plus appuyée. Ce qui suppose de mettre en place une stratégie de communication cross-canal – qui utilise à la fois des canaux online et offline.
En somme, le web-to-store (ou drive-to-store) est à la fois une tendance de consommation liée au développement d’Internet, et la démarche adoptée par les commerçants pour s’y adapter et continuer à attirer des clients dans leurs points de vente en actionnant des leviers digitaux. De sorte que, pour les retailers, le web cesse d’être un concurrent et devient un allié stratégique. Pour désigner ce phénomène, on parle aussi de ROPO (Research Online, Purchase Offline).
Pourquoi opter pour une démarche web-to-store ?
Autrefois, l’écosystème du commerce était plutôt divisé : on avait, d’un côté, les amateurs du online qui ne juraient que par l’innovation, et de l’autre les aficionados du offline qui n’envisageaient pas d’abandonner les boutiques physiques. Mais au fil du temps, cette distinction s’est résorbée et la frontière entre les deux mondes est devenue poreuse, notamment avec la crise sanitaire. Ce qui fait dire à Gilles Giudicelli (la « tête pensante » marketing de chez Criteo) qu’en 2022, « le shopper est hybride », c’est-à-dire qu’il se tourne indifféremment vers les canaux physiques et digitaux.
Les chiffres corroborent ce constat. 91 % des consommateurs ayant acheté un produit en magasin ont effectué, au préalable, une recherche en ligne (E-commerce Nation). Selon la Fevad, 70 % des consommateurs se rendent en boutique après avoir déniché des informations sur le web. Cette évolution est bien montrée par le graphique ci-dessous :
(Source : Fevad)
En 2021, 72 % des consommateurs ont adapté le mode ROPO pour leurs achats, contre 72 % en 2019. Du côté du BOPIS (Buy Online, Pick up In Store : ce qu’on appelle, chez nous, le Click & Collect), 60 % des consommateurs s’y sont mis en 2021, contre 55 % en 2019.
On comprend ainsi que le web-to-store est en train de devenir incontournable pour les entreprises de proximité et pour les marques qui détiennent des points de vente sur le territoire. Il s’agit, en effet, d’employer les leviers du marketing cross-canal pour saisir toutes les opportunités commerciales, pour toucher les consommateurs à la fois sur le web et en boutique, mais aussi pour encourager ceux-ci à prendre eux-mêmes cette habitude de passer du online au offline – par le biais de stratégies que nous allons explorer plus bas.
Quels sont les bénéfices du web-to-store ?
La montée en puissance du e-commerce et du m-commerce (l’achat sur mobile) a poussé les professionnels du retail à prendre en compte les enjeux du web-to-store et les intégrer à leurs stratégies marketing. Or cette prise de conscience n’est pas désintéressée : elle découle des nombreux avantages offerts par une démarche web-to-store. En effet, celle-ci donne l’occasion aux entreprises et aux marques de…
- déployer un parcours d’achat omnicanal qui répond aux attentes des consommateurs d’aujourd’hui ;
- proposer une expérience utilisateur qualitative et complète, online ET offline ;
- gagner en visibilité et toucher de nouveaux clients grâce aux canaux digitaux ;
- toucher les prospects à toutes les étapes du parcours d’achat ;
- optimiser l’expérience en boutique et valoriser le relationnel ;
- augmenter les ventes (et le chiffre d’affaires) et améliorer le retour sur investissement ;
- fidéliser les clients en lançant des actions marketing dédiées.
En outre, pour les consommateurs aussi le web-to-store présente des avantages indéniables. Ils préparent mieux leurs achats, sécurisent leur choix en cherchant des informations et en comparant les produits/services, essaient ou testent la marchandise en boutique (notamment pour le prêt-à-porter), obtiennent des conseils personnalisés, bénéficient d’offres promotionnelles, et se prémunissent contre les problèmes de stock ou de livraison (voire contre les risques de pertes de données bancaires).
En somme, avec le web-to-store, les professionnels bénéficient conjointement des atouts du digital et du brick & mortar (visibilité, notoriété, qualité relationnelle, expérience client…), tandis que les consommateurs simplifient et sécurisent leur parcours d’achat. Mais pour que cela fonctionne, il est indispensable de s’appuyer sur des stratégies cross-canal cohérentes et performantes.
Quelques exemples de stratégies performantes en web-to-store
Avec le web-to-store, les commerçants doivent répondre à un triple enjeu : capter l’attention des prospects en ligne, proposer une expérience attractive en magasin, et faire en sorte que ces deux écosystèmes communiquent entre eux (de manière à donner envie aux internautes de se rendre dans un point en vente, puis d’y revenir par la suite, sans pour autant cesser de fréquenter les supports digitaux de la marque). Pour ce faire, voici quelques exemples de stratégies qui ont fait leurs preuves.
Favoriser un parcours cross-canal
Pour qu’une démarche web-to-store existe, il est nécessaire de donner aux internautes le moyen de découvrir la marque en ligne, de trouver des informations, et d’accéder ensuite à un magasin près de chez eux.
Ce n’est pas anodin, car cela suppose de mettre en place une stratégie de visibilité digitale adaptée aux besoins des consommateurs. Ce qui veut dire, bien entendu, disposer d’un site internet ou, à tout le moins, d’une fiche d’établissement Google (ex-Google My Business), mais aussi s’assurer que les internautes seront en mesure de trouver le point de vente le plus proche de leur position à tout moment – que ce soit en créant un itinéraire sur Google Maps depuis une adresse donnée, ou en profitant du service de géolocalisation intégré au smartphone.
Pour les entreprises, cela implique de bien renseigner leurs coordonnées (téléphone, adresse) et horaires d’ouverture, de mettre en avant les différents points de vente accessibles (dans une démarche Store Locator) et d’optimiser leur présence en ligne via une stratégie de référencement local (SEO ou SEA).
Vérifier la disponibilité des produits en ligne
Le fait de se rendre en boutique pour effectuer un achat suppose, de la part du consommateur, un investissement en temps et en énergie. Il faut donc s’assurer qu’il trouvera effectivement le produit recherché une fois sur place.
C’est l’objectif d’une stratégie Product Locator : donner aux internautes la possibilité de vérifier la disponibilité d’un produit dans les magasins proches de chez eux avant qu’ils se déplacent. Une stratégie adoptée par un grand nombre de marques majeures, comme Boulanger ou la Fnac (exemple ci-dessous).
Proposer le Click & Collect
Le système du Click & Collect (l’un des piliers du web-to-store) a été popularisé pendant la pandémie, surtout dans les domaines de la restauration et du prêt-à-porter. Cette tendance consiste à acheter ses produits en ligne avant d’aller les récupérer en boutique – donc sans opter pour la livraison à domicile.
Pour les consommateurs, c’est la garantie de récupérer les produits au moment voulu, sans délai ; de ne pas perdre du temps sur place à faire la queue ; d’éviter les problèmes liés à la disponibilité et à l’envoi des marchandises (qui peuvent toujours se perdre ou arriver en mauvais état), etc.
Pour les entreprises, le Click & Collect permet d’offrir un service de vente en ligne sans avoir à gérer la logistique afférente à la livraison – c’est ce qui a séduit de nombreux restaurateurs durant les périodes de fermeture sanitaire, dès lors qu’ils ne disposaient pas des moyens de faire livrer leurs produits. C’est aussi un levier de cross-selling : les clients qui viennent en boutique chercher leurs achats sont susceptibles de repartir avec des marchandises supplémentaires.
Lancer des opérations promotionnelles cross-canal
En mode web-to-store, les opérations promotionnelles doivent prendre une dimension cross-canal : il s’agit d’interpeller les prospects en ligne (via l’emailing, les réseaux sociaux et la publicité digitale) ou de les contacter sur leur téléphone (SMS, notifications push liées à une application mobile) pour qu’ils viennent en magasin profiter d’une offre dédiée. Cela permet, en outre, de fidéliser les clients existants en les ciblant dans le cadre de promotions exclusives.
Ces opérations peuvent prendre différentes formes : communication sur une actualité ou un nouveau produit/service, soldes, événement ponctuel, ou encore jeu-concours.
Ce dernier levier est parmi les plus efficaces : les jeux-concours sont de puissants vecteurs de trafic et de notoriété, et permettent de créer des liens forts entre les consommateurs et les marques. Une opération lancée sur les réseaux sociaux va consister, par exemple, à proposer aux utilisateurs de venir en boutique déguisés, ou de réaliser une action spécifique avec récompense à la clé (à venir récupérer dans un point de vente).
Mettre en place un service de rendez-vous en ligne
Pour les commerçants qui vendent des prestations de service, l’option du rendez-vous en ligne est l’un des avantages majeurs du web-to-store : on cherche à encourager les clients à planifier leur venue, à la fois pour optimiser leur expérience sur place (pas d’attente, service personnalisé…) et pour sécuriser leur venue (une personne qui a pris rendez-vous a plus de chances de se présenter).
Le principe du rendez-vous en ligne est particulièrement adapté aux services de proximité : coiffeurs, garagistes, agences de voyage, etc. Mais de grandes enseignes proposent désormais cette option, comme Darty qui permet aux clients de programmer leur passage au service après-vente. Pour le commerçant, c’est aussi un précieux levier organisationnel.
Proposer des expériences innovantes en magasin
Si le web-to-store consiste à orienter les internautes vers les points de vente, il est essentiel de ne pas oublier la dimension « physique » du parcours d’achat : une fois les consommateurs présents dans le magasin, il faut leur proposer des expériences innovantes qui justifient le déplacement. Cela, en mettant en avant des services différenciants, auxquels ils ne peuvent pas accéder en ligne.
Quelques exemples : une relation humaine plus développée (prise en charge individuelle du client, conseils personnalisés…), la possibilité d’essayer ou de tester les produits, ou encore la digitalisation des points de vente pour fluidifier l’expérience client (utilisation d’ordinateurs pour chercher les marchandises en stock, vendeurs « volants » qui encaissent via des tablettes comme on le voit en période d’affluence chez Nature et Découvertes, application mobile à activer en magasin pour bénéficier d’offres promotionnelles supplémentaires, etc.).
Le web-to-store est plus qu’une tendance : c’est un changement de paradigme qui consiste à associer deux mondes trop souvent opposés (online et offline) et à créer une continuité entre la recherche d’informations en ligne et l’expérience en magasin. Pour les consommateurs, c’est l’occasion de profiter des avantages du digital et du brick & mortar. Pour les entreprises et les marques, c’est une manière de tirer parti de la puissance d’acquisition du web tout en rendant le passage en boutique incontournable. Autant de raisons qui font du web-to-store un levier aujourd’hui indispensable.